Dans l’arrière-cour d’un immeuble de Turin, Zino est le dernier petit cadreur artisanal de sa ville.

De son atelier sortent des vélos en acier au finitions soignées, faits con amore.

Depuis combien de temps fabriques-tu des vélos? C’est un travail à temps plein?

Ca doit faire sept ans… Les quatre premières années, je dessinais des t-shirts en parallèle de mon activité de cadreur. Maintenant je cadre pendant la semaine et je bosse à la pizzeria le weekend.

Quel genre de vélos fais-tu?

Je fais un peu de tout : des cargobikes, des vélos de piste, mini-cargos, gravel, VTT… Juste, je ne fais pas de vélos de course, je ne suis pas trop route.

Tu proposes des modèles-types de vélos ?

Je fais plein de vélos différents, je n’ai pas de modèle à proprement parler. Mais ça fait partie de mes projets de sortir une ligne de vélos. Gravel, VTT, et j’aimerais revenir au vélo de piste.

Le piste a été mon premier amour et est parfait pour la ville. C’est aussi un bon moyen de se lancer dans le cyclisme.

Tu fabriques aussi tes fourches. C’est important pour toi de tout faire maison ?

Je fais tout à la main. Mes vélos ne sont pas les plus légers parce que… Una bella donna è anche bella con cualche kilo in più. Une jolie femme est aussi jolie avec quelques kilos de plus. Pas la peine d’aller à la chasse aux grammes.
Il n’y a pas besoin d’avoir un produit ultralight, seuls les vélos de course ont cette particularité.

Je veux faire des vélos pour les gens ordinaires, du beau travail à un prix correct.

Toujours est-il qu’on ne doit pas oublier pour qui on fait ces vélos, et ne pas simplement suivre une mode. Ici en Italie, on n’a pas les mêmes routes ou les mêmes pistes qu’aux U.S.A. Il faut le garder à l’esprit.

Comment tu t’es mis à fabriquer des vélos?

A l’époque, je roulais en vélo de piste. Un jour j’ai vu une vidéo sur le net et me suis dit « Wow, ce gars a fait un vélo dans son jardin ! »
Alors j’ai essayé d’en faire un dans mon oficina. Un ami ferronnier m’a donné un coup de main pour mon premier cadre.
Bon, il n’est pas parfaitement aligné, mais il faut bien commencer quelque part!

Donc je me suis construit un jig, j’ai passé des coups de fil pour trouver de l’aide. Mattia (Legor Cicli) m’a expliqué comment faire et je suis allé le voir travailler à Brescia.

C’a été difficile parcequ’il n’y a presque personne de qui apprendre à Turin. Donc j’ai dû passer mon temps à faire des expériences !

C’est sympa de la part d’un cadreur aussi célèbre que Legor d’avoir pris le temps de tout expliquer à un débutant !

Carrément ! Et ça ne lui a jamais posé de problème, il adore enseigner. Il te montre comment faire et après c’est à toi de bosser, bosser, bosser à la maison. Il n’y a pas de secret.

Les vieux cadreurs avaient ce défaut : ils ne voulaient absolument rien montrer. Legor et cette nouvelle génération forment une communauté où tout se partage. C’est beau.

Il y a encore cinq, six ans, plus personne ne faisait de vélos. Legor est arrivé et a marqué un tournant. Il est très méritant.
Nous tous, on l’a suivi et un peu copié, comme il était le premier à réussir et gagner sa vie avec ses vélos. Son histoire est très inspirante, il a été molto bravo.

J’admire beaucoup Mattia.
On vient tous les deux du skate. Il y a longtemps, on a même fait un tour avec Ted James, Legor et Pelago.
On s’est éclatés!

Et il y a d’autres cadreurs qui t’inspirent?

J’admire beaucoup Richard Sachs et plein de cadreurs italiens : Pegoretti, Picchio, De Rosa… A Turin, il y avait aussi 5-6 artisans : Villata, Beltramo… Ils sont trop nombreux pour tous les citer.

J’ai beaucoup de respect pour ces anciens parce qu’à l’époque, il n’y avait pas internet, les machines étaient très chères. Maintenant le travail est grandement facilité par les outils modernes, les tours…
Dans le temps, c’était tantissimo cher, c’était bien plus dur.

Ces gars-là étaient des génies, des inventeurs. Maintenant on copie plus ou moins ce qui a déjà été fait.
C’étaient des novateurs, des explorateurs de ce monde.

On doit préserver le passé. Construire le présent, mais toujours garder le passé à l’esprit. Ce grand savoir italien ne doit pas mourir. L’Italie -tout comme la France- est le cœur du cyclisme, tout est né ici.

Tu cumules deux activités. C’est difficile de gagner sa vie en tant que cadreur à Turin ?

Très difficile, le matériel et le loyer sont assez chers…

Beaucoup de gens pensent que quand on vend un vélo, on gagne 1000€.
Mais c’est pas 1000€, c’est plus de l’ordre de 100-150€. La peinture a un prix, les tubes ont un prix, les bouteilles de gaz, les baguettes… Ca a un coût énorme et les gens ne s’en rendent pas toujours compte.

En plus de présenter un risque d’incendie, les feux de camps peuvent abîmer la faune et la flore durablement.

 

 

Quelques idées pour limiter les dommages

 

-Utiliser un foyer existant si possible.

-Le feu hors-sol : isolez votre feu du sol en l’allumant dans un récipient posé sur des pierres.

-Ne brûler que du bois sec, ramassé au sol et pas trop gros pour qu’il s’éteigne de lui-même.

-Si le but est de réchauffer votre dîner, pourquoi ne pas prévoir un réchaud?

-Enfin, la solution évidente : ne pas faire de feu ! A l’heure des vêtements techniques, rares sont les cas où l’on a besoin d’un feu pour survivre.

 

Bien sûr, une bonne flambée est agréable, elle réchauffe le corps et l’esprit.

Et elle a aussi l’avantage de laisser un fumet particulier à votre sac de couchage !

 

Tu as des projets pour le futur ?

Avec la pizza, il m’est venu cette idée d’ouvrir une petite boutique qui ferait pizza-bar et atelier. Comme un café-cycliste, mais plus une pizzeria-cycliste !

Là où je travaille, on fait notre propre pâte à pizza, avec les mêmes ingrédients que dans le temps. C’est comme pour le vélo. Ce n’est pas une pâte de fast-food, c’est un truc traditionnel, juste de la farine et de l’eau. Et tous les jours, on doit « alimenter » cette pâte. C’est incredibile, tellement bon, peut-être la meilleure pizza de Turin ! Enfin, pour le moment c’est ça reste un hobby pour moi.

Tu n’es pas facile à trouver sur le net, pourquoi ça ?

Je ne montre pas grand-chose, pas trop de photos. Je ne veux pas que les gens croient que je sais tout. Je veux atteindre mon objectif piano-piano.

Je sais que je devrais faire plus d’efforts de marketing… Mais bon, beaucoup de gens me connaissent et apprécient mon travail.

Quand je sors rouler, on me dit « Zino, j’adore ce que tu fais! »
C’est beau quand quelqu’un te dit ça.

C’est très gratifiant de voir mes clients fiers de leurs vélos.
Marco par exemple, il passe ses journées sur son vélo ! C’est le meilleur retour que je puisse espérer.

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