Après avoir parcouru les Montañas Vacías, j’ai profité de l’occasion pour rendre visite à Rubén dans son atelier avant qu’il déménage.

On a roulé jusqu’à un grand et vieux batîment. Je ne comprenais pas, ça ressemblait plus à une rave-party qu’à un atelier : la musique à fond, plein de gens qui faisaient la fête, toutes sortes d’artistes, de peintres en démonstration… Je me sentais comme un intrus en essayant de suivre Rubén avec mon vélo à travers la foule qui dansait.

Au fond de la cour intérieure noire de monde, il a ouvert la porte de ce qui semblait être un endroit secret.

« ¡Bienvenido! »

Comment as-tu appris à fabriquer des vélos ?

Et bien, d’habitude quand on me pose cette question, je réponds que je n’ai pas encore appris. Je pense que c’est un processus sans fin, tous les maîtres te diront la même chose.

J’ai commencé en faisant simplement ce que je pensais être logique. Je n’ai pas pris de cours ni participé à des stages, j’ai juste cherché sur le net, dans quelques livres et beaucoup-beaucoup sur Instagram et sur les réseaux sociaux de la communauté des cadreurs. De nos jours, tout est à portée de main si tu as la volonté de t’y plonger.
Rien n’est gratuit, ç’a été TRES difficile, bien plus que ce à quoi je m’attendais… Beaucoup d’heures passées à l’atelier, beaucoup d’argent dépensé… J’ai même des cicatrices pour le prouver!

Bien sûr, j’ai demandé de l’aide, des idées et des informations. Je suis très reconnaissant envers ceux qui ont répondu présent, certains sont devenus des amis… Et ce n’est que le début!

Qu’est-ce qui t’a poussé à fabriquer des vélos ?

A l’époque, je me suis dit « Ok, et si je me faisais mon prochain vélo? Et pourquoi pas en faire pour mes amis? » Je me suis lancé à fond là dedans, et rapidement j’étais plus près de la rive en face que de celle dont j’avais sauté !

Quel était le premier vélo que tu as fait ?

Le tout premier était un pignon fixe classique, avec beaucoup de défauts de géométrie ! J’ai fabriqué le cadre sans avoir la fourche, ce qui est maintenant impensable. J’ai absolument tout coupé et limé à la main, d’ailleurs j’ai toujours cette première chute de tube de selle.

C’était un beau vélo pour une belle personne.

Je me souviens de ce moment avec affection, c’était un peu comme un baptême.

En ces temps de confinement, nos commerces locaux ont plus que jamais besoin de nous. Non seulement les vélocistes, mais tous les petits commerces qu’on aime !

 

Que puis-je faire pour aider ?

Commandez vos pièces chez votre bouclard plutôt que sur les gros sites web

Avec tous les évènement annulés ou reportés, rien ne presse de toute façon !

 

Payez en avance

Soutenez vos cafés et bars préférés en payant maintenant les boissons qu’on prendra ensemble quand ce sera autorisé ! Jetez un œil à www.soutien-commercants-artisans.fr par exemple.
Vous pouvez aussi acheter un bon d’achat chez votre vélociste et retirer vos plaquettes, pneus, préventif plus tard dans l’année, quand vous en aurez besoin!

 

Faites-vous livrer

Beaucoup de petits commerces proposent maintenant de vous livrer, même s’ils ne le faisaient pas avant. Vérifiez leurs réseaux sociaux, ils en ont certainement parlé !

 

Découvrez vos commerces locaux

Certaines villes ont mis en place une page web recensant les promotions spéciales confinement. Faites-vous livrer votre café en grains préféré, prenez un cours en ligne… Regardez ce qu’Edimbourg a mis en place, par exemple!

 

L’évidence même : Demandez-leur !

Pourquoi pas simplement appeler vos commerces préférés et demander « Je peux aider? »

 

Plus que jamais, dépenser son argent intelligemment aidera les petits commerces à survivre.

Evanoui soutient

Cadreur, c’est ton activité principale ?

C’est l’activité que je fais le plus, vu que mon autre job n’est pas très constant. Je suis preneur de son et je suis en tournage quelques jours par mois.
Je suis fait pour de longues journées au travail, aussi bien à l’atelier qu’en tournage.

Quelle est ton approche du métier de cadreur ?

Tout d’abord, je dois dire que mes vélos sont faits pour rouler. Chacun d’entre eux est un bel outil, un objet qui sert une fonction : s’éclater !

Les vélos avec plein de jolis détails qui ne servent à rien, c’est pas mon truc…

Quand je conçois quelque chose pour mes cadres, la première question que je me pose, c’est
« Est-ce que c’est vraiment une amélioration? Ca vaut le coup? C’est plus léger? C’est mieux? »
Et seulement ensuite j’essaie de le rendre joli.

La plupart du temps, j’y arrive, mais je le paye au prix cher en temps de travail. Par exemple, mes pattes faites maison : conception, soudure et finitions maison pour aller sur des bases plus grosses, en inox découpé au laser avec une ailette soudée. C’est sûr que c’est bien plus facile d’acheter un truc tout prêt, mais c’est pas personnel.

En ce moment, je travaille sur des renforts d’œillets de porte-bidons. Ils sont plus durs à braser, sont beaucoup plus longs à polir, mais ils remplissent une fonction. Et par là même, ils sont magnifiques !

Quelles sont tes principales influences ?

Avec toute cette philosophie, ça paraît logique que mes références principales sont les Italiens, toujours à la recherche d’un vélo plus léger, plus rapide, plus performant et à la fois plus simple.

Bien sûr, il y a Zullo, Pegoretti (et son équipe, qui dirige l’atelier maintenant) et d’autres noms comme Bice, Fabrica et Legor.

C’est Legor mon inspiration principale, certainement parce que c’est lui qui m’a aidé le plus depuis le début.

Une inspiration non seulement par ses vélos, mais aussi son mode de vie.

Il vit aux autour de Barcelone, à 500m de ses pistes préférées. Il a quelques poules, un petit potager… Lui et sa femme(Franka, Maad Cycling) mènent une vie tellement honnête ! Je rêvais d’une vie pareille… Et puis je les ai rencontrés et ai vu que c’est possible. Mais bon, ça n’est jamais simple.

Kris de 44bikes fait un peu la même chose, et lui aussi est une grosse référence dans mon travail : un atelier splendide accolé à sa maison au milieu des bois, des soudures parfaites, une manière très claire de faire les choses tout en recherchant l’excellence.

Prova Cycles a une approche plus technique. Ses designs sont incroyables et il allie de l’impression 3D dernier cri aux mêmes tubes en acier qu’on utilise tous pour faire des vélos hors du commun.

Firefly, Horse, Naked, BTR… J’adore leur boulot.

Je voudrais aussi mentionner Simone D’Urbino, le cadreur de Masi. Je suis allé le voir quelques fois à son atelier sous le vélodrome Vigorelli ; il ne fait que des vélos de pistes à raccords. Ca n’a rien à voir avec ce que je fais, mais d’une certaine manière, sa façon de faire -garder les choses aussi simples que possible- m’a touché.

Ca fait beaucoup ! Si tu devais avoir un vélo fait par l’un d’entre eux, ce serait qui ?

Tous sont de grands cadreurs. Avoir un vélo de n’importe lequel d’entre eux serait super… Pourquoi choisir ? N+1 !

D’ailleurs, tu es quel genre de cycliste? Piste, VTT, gravel, route, endurance, bikepacker?

Mes vélos principaux sont un route et un gravel. Je les utilise autant l’un que l’autre et je les adore. Chacun m’emmène sur des parcours différents, chacun est un compagnon différent.
Je ne sais pas pourquoi mais je suis meilleur en gravel. Je prends mon VTT quand j’ai besoin de m’éclater sur une sortie courte et explosive. J’essaie de me faire un voyage en bikepacking au moins une fois par an. Il y a deux ans, je suis allé au Grinduro Scotland, suivi d’un trip sur l’Ile de Skye… C’était génial. J’éspérais aller faire les Montañas Vacias pour les vacances de Pâques, mais on dirait que ça va devoir attendre… [A cause du confinement -ndlr]

Depuis quand roules-tu ?

Je fais du vélo depuis mon enfance -comme tout le monde, j’imagine- mais quand je me suis installé en centre ville il y a 6 ans, j’ai commencé à m’investir dans la scène Fixe de Madrid. Ca m’a fait rencontrer des personnes extraordinaires, j’ai participé (et même gagné quelques) alleycats, puis des criteriums…
Puis j’en suis venu aux lycra, aux jerseys. J’ai commencé à m’entrainer un peu sérieusement, je me suis pris mon premier vélo de route… Et sans l’avoir vu venir, je roulais 3 fois par semaine, environ 300km.

Maintenant, je ne peux pas imaginer ma vie sans mes vélos. Je les utilise tous les jours… J’en ai oublié comment marcher, c’est trop lent !

De quel vélo es-tu le plus fier ?

De manière générale, c’est toujours le dernier vélo que j’ai fait. A chaque fois, je rajoute une amélioration, les soudures sont plus belles, les finitions aussi.
Mon vélo le plus récent est mon VTT perso. Le résultat est très bon et j’en suis heureux parce que j’ai utilisé quelques nouveautés dessus, comme des bases custom et mes nouvelles pattes thru-axle. Ceux que j’ai commencés avant le début du confinement vont être pas mal non plus.

Raconte m’en plus sur ton ancien atelier, celui que j’ai visité !

Ah oui, ma vieille grotte… Un four en été, un frigo en hiver. J’y ai travaillé par plus de 40° et moins de 0!
C’était dans un incroyable bâtiment dans le centre de Madrid, vraiment vieux, des années 1700. C’est plein d’artistes, de musiciens et d’artisans. J’ai pu débuter dans cet endroit avec le soutien de mes amis ! Par chance, j’ai pu avancer il y a quelques mois.

Mon premier atelier était dans une ciclo officina, un atelier communautaire où les gens peuvent réparer leurs vélos.

Quel bordel c’était !

Et maintenant, ton atelier ressemble à quoi ?

Il me permet d’avoir bien plus de liberté, c’est un endroit sympa pour recevoir des clients. J’ai pu y installer tout ce que je voulais comme je le voulais avec mon expérience passée.

Le quartier est sympa, c’est proche du centre et j’ai une bonne pizzeria à deux minutes !

Quel genre de vélos fabriques-tu ?

Je fais des vélos custom, tous mes cadres sont faits sur mesure, je n’ai pas de stock.
Chaque vélo est fait de zéro, selon tes souhaits et besoins.
Tu peux commander un route à disques ou à patins, un VTT, CX, randonneuse, aventure, urbain, piste… Ce que tu veux ! Mon boulot c’est de te faire le meilleur vélo fait pour toi.

Pour le bike fitting, on peut partir d’une étude posturale professionelle -ce qui est toujours super- ou simplement avec tes mesures corporelles.

D’une manière ou d’une autre, on discutera de ce que tu veux pour ton nouveau vélo, ce que tu aimes et aimes moins sur ton vélo actuel.
Et à chaque fois que possible, je vais rouler avec mes clients.

Quel genre de tubes utilises-tu ? Tu as une préférence ? Tu les mélanges ?

J’utilise principalement des tubes Columbus, surtout du Spirit/HSS et du Life, et un peu de Zona. Habituellement, je mélange les gammes sur chaque cadre. J’utilise aussi des bases Reynolds custom pour mes nouveaux gravels.

J’allais commander deux jeux de tubes inox XCR pour deux projets quand toute cette folie a commencé… On verra bien !

Quelles techniques utilises-tu ? TIG, brasage ? Pourquoi ?

Tous mes cadres sont soudés au TIG. Tous les meilleurs cadreurs utilisent le TIG ; c’est la chose à faire si tu veux un vélo super performant. C’est rapide, ça demande une bonne maîtrise et ça laisse très peu de place à l’erreur. Tu peux réussir à faire des jonctions invisibles. Et le plus important, le comportement du vélo est complètement différent d’un soudobrasé. Un vélo soudé au TIG (si c’est bien fait) sera plus vif et nerveux, rigide mais avec du caractère.
Je ne brase à l’argent que les petites pièces, les butées de gaines, œillets de porte-bidons, pontets etc…

Tous mes haubans et la plupart de mes bases sont cintrés maison pour toutes les courbures et les tailles nécessaires. Les cintrages d’origine ne permettent pas toujours le dégagement que je veux. Une fois de plus, ça donne de la personnalité à mes cadres.

Mes cadreurs préférés soudent au TIG.
Nous avons tous un motif de soudure différent, défini par les réglages de nos machines et le mouvement de la main.

C’est comme écrire : on écrit tous les mêmes mots, mais avec une calligraphie différente.

A propos d’outils, les cadreurs ont souvent une relation particulière à leurs outils. Tu en as un favori ?

C’est vrai, on est des grands malades, on adore les outils !

J’aime utiliser le bon outil pour chaque tâche, même pour un truc aussi bête que couper des serflex.
Un de mes outils préférés est mon jeu de tarauds de BdP T47. Chris King les a sortis quand ils ont développé le standard T47 et ils en ont envoyés à quelques cadreurs, les premiers à utiliser ce nouveau boitier. L’un d’entre eux était Mattia (Legor Cicli). Il me l’a vendu quand il a eu le Silva T47… Un outil costaud, cher, un truc de rêve. Qu’est-ce que j’aimerais en avoir un !

Dis-m’en plus sur ces pattes maison ! C’est super créatif !

Et bien, en me basant sur les pattes Syntace qui permettent un réglage fin de l’alignement de la roue et en mélangeant ça avec une idée de Zullo, j’ai dessiné cette patte.

L’insert excentrique sert juste à parfaire l’alignement. Il est brasé à l’argent et à la différence du Syntace, il ne peut pas être bougé accidentellement par un client ou un mécano.

Qu’est-ce qui est le plus gratifiant dans ton boulot ?

Faire des vélos, ça m’a donné pas mal de maux de têtes, mais aussi de bons moments.
J’adore aller rouler avec mes clients pour leur premier jour sur leur nouveau vélo. Ou voir des photos des amis quand ils se régalent sur mes vélos ou qu’ils voyagent avec !

A quoi s’attendent les gens quand ils viennent vers toi ?

En général, ce sont des gens que j’ai croisés sur un évènement ou en route. On roule ensemble, ils voient mon vélo, me posent des questions… J’imagine qu’une relation personnelle est très importante pour les cadreurs moins connus. La plupart des cyclistes aiment parler du vélo de leurs rêves, et j’adore ça. Vous pouvez venir me voir à l’atelier !

Autant que je sache, je suis le seul à utiliser le TIG dans le coin, et -toujours de ce que je sais- il n’y a pas d’autre cadreur par ici qui roule vraiment. Je pense que ça fait une grosse différence pour les gens.

D’où vient le nom Rizzo ?

Et bien tu as vu ma tête… Quand les gens qui ne connaissent pas mon nom veulent parler de moi, ils disent toujours « Ce gars là avec les cheveux bouclés, la grosse barbe… -Ah oui bien sûr! »
Donc oui, Rizo veut dire bouclé en espagnol.

Tu as des plans pour l’avenir, des projets ? Un nouveau vélo, un voyage peut-être ?

Des projets d’avenir… Et bien j’en avais, mais maintenant tout est un peu flou… Actuellement -en ce moment-même- je devrais être en train de souder un super bike en inox pour un show… J’ai même déjà quelques pièces commandées avant le confinement…
Le spectacle a été reporté, je croise les doigts pour que ce soit pour cet automne…

J’ai beaucoup réfléchi dernièrement… On a été obligés de s’arrêter et réfléchir. Que faisons-nous ? Comment vivons-nous ? Où allons-nous ? J’espère que quand tout sera fini, les gens retourneront à leurs vies, mais en en ayant tiré une leçon positive pour le futur…

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Passez dire bonjour à Rubén si vous êtes dans le quartier !