En septembre dernier, et pour la troisième année consécutive, environ 150 cyclistes venus d’horizons divers se sont rassemblés autour de James Olsen pour participer au Torino-Nice Rally.
Tour d’horizon de ce parcours désormais classique, interview de l’organisateur et galerie de participants et de leurs vélos.
Le parcours
On peut dire que ces 700km ne sont pas une promenade de santé. Avec 20 000m de dénivelé positif, dont une bonne partie hors-route, le Turin-Nice vous fait grimper à plus de 2000m plusieurs fois par jour.
Avant même d’y être confrontés, certains des cols traversés impressionnent par leur renommée, comme l’Izoard rendu célèbre par le Tour de France ou le Colle Delle Finestre, portion gravillonnée du Giro.
Mais d’autres cols, moins connus, sont bien plus redoutables…
Dès le premier jour, le Colle del Colombardo risque de mettre votre motivation -ou tout au moins vos espoirs de chasse au KOM- à rude épreuve. Je ne vous parlerai pas du Col de Péas pour ne pas vous gâcher la surprise… (Ne vous fatiguez pas, il ne figure pas sur Cyclingcols)
En plus de présenter un risque d’incendie, les feux de camps peuvent abîmer la faune et la flore durablement.
Quelques idées pour limiter les dommages :
-Utiliser un foyer existant si possible.
-Le feu hors-sol : isolez votre feu du sol en l’allumant dans un récipient posé sur des pierres.
-Ne brûler que du bois sec, ramassé au sol et pas trop gros pour qu’il s’éteigne de lui-même.
-Si le but est de réchauffer votre dîner, pourquoi ne pas prévoir un réchaud?
-Enfin, la solution évidente : ne pas faire de feu ! A l’heure des vêtements techniques, rares sont les cas où l’on a besoin d’un feu pour survivre.
Bien sûr, une bonne flambée est agréable, elle réchauffe le corps et l’esprit.
Et elle a aussi l’avantage de laisser un fumet particulier à votre sac de couchage !
Affiche commémorative par l’artiste Graham Watts.
Tous les bénéfices de la vente seront reversés à la fondation Smart Shelter.
Mais même si le dépassement de soi représente un défi majeur du Torino-Nice, le cœur de l’évènement est ailleurs…
Faisons le point :
- Ce n’est pas une course (le dernier arrivé est récompensé !)
- Le parcours oscille entre deux pays célèbres pour leur gastronomie
- Les paysages sont à couper le souffle
- La plupart des participants partagent le même état d’esprit
Alors pourquoi se presser ? C’est l’occasion de faire connaissance, de partager un plat de gnocchi ou une vraie pizza, de bivouaquer ensemble ! La dolce vita (ou presque !)
Un des meilleurs moments que j’ai vécus sur ce 3ème TNR : Atteindre le Refuge Gardetta à 19h après une ascension monstrueuse avec des pourcentages à deux chiffres, y compris la section de portage vers le Petit Pérou. Tout cela sous des conditions déplorables, trois heures de forte pluie et d’orage.
Mais le côté extrême, la pluie, la montée, les blagues débiles sur notre situation, et surtout la récompense à couper le souffle quand on a atteint le Petit Pérou ont fait que c’était un de ces moments qui rendent le TNR si spécial.
Chaque jour, je me suis régalé sur le vélo et avec des gens extraordinaires. Par exemple : descendre à fond le Colle del Colombardo avec James, déraper dans les virages, rouler la Strada dell’Assietta à l’aurore, c’était juste excellent. Le coucher de Soleil pile en haut du Col Agnel, sans un bruit, sans personne, quel instant magnifique. Parcourir toute la Via Del Sale et prendre une bière pour le petit déjeuner au refuge Don Barbera: parfait. Partager deux jours sur la route avec Davide Nicolino, c’était une belle et heureuse rencontre. Merci pour tout, Davide !
James Olsen, organisateur du Rally
En quoi cette troisième édition a-t-elle différé de tes attentes?
L’augmentation du nombre de participants n’a posé aucun problème, contrairement à ce que je craignais. La pluie au dîner de la veille a certainement contribué à ne pas surcharger le restaurant ; c’est clair que plus de cent personnes d’un coup, ça fait beaucoup, quel que soit l’établissement.
Une fois le départ donné, le groupe s’est vite étiré. L’effet Colombardo amplifie les différences naturelles de cadences et d’état d’esprit au sein d’un groupe.
Quel a été ton moment préféré du parcours?
Le bivouac avec Biff sur l’Izoard. Pas pour la « bromance », quoi que la compagnie était chouette! C’était juste une belle journée qui se terminait en beauté avec un magnifique ciel sans nuage, une nuit froide à regarder les étoiles, une chose que je n’avais pas faite depuis longtemps.
Le fait de regarder dans l’espace pendant quelques heures, aidé par un bon rouge français, a remis quelque chose en moi à zéro et m’a aidé à conditionner mon état d’esprit pour le reste du trajet. Je ne m’en suis rendu compte réellement qu’une fois le rally terminé.
Quel a été ton pire moment ?
Peut-être la météo sur la section du Petit Pérou et la descente suivante sur Demonte. Par chance, nous n’avons pas eu trop froid en haut, on est descendus juste à temps pour récupérer quelques petits degrés quand on en avait vraiment besoin.
C’était juste à la limite de l’inconfort, alors bon, ce n’était pas le « pire » momentmais potentiellement le plus difficile.
Où a été ton meilleur bivouac ?
Ca faisait un moment que je voulais dormir à la belle étoile à Gardetta. Cette année, je me suis assuré que mon sac de couchage suffirait.
Après avoir accompagné Biff à Cuneo où il avait un train pour rentrer à Turin, je suis revenu sur le parcours avec pour but de reprendre une partie de la trace que j’avais déjà faite. Je l’ai récupérée par la vallée de Maira et j’ai bivouaqué au pied de la « Route de la Mort » vers 22:30. Le lendemain matin, j’ai croisé quelques riders qui descendaient, j’ai roulé la Cannoni et ai continué sur le portage de Gardetta après ça.
C’était super de rencontrer quelques riders (dont toi, Cyril !) au refuge. La journée avait été assez éprouvante et j’ai plutôt bien dormi cette nuit-là.
Au réveil, la lumière du petit matin derrière Rocca la Meja promettait une belle journée.
Je me suis planté avec les réglages de mon appareil et n’ai pas beaucoup de belles photos, malheureusement. Mais ça me fait de l’expérience. Et j’en ai appris un peu plus sur les réglages manuels de mon appareil photo !
Un conseil pour un futur participant ?
En plus des petites vitesses, de prendre uniquement le nécessaire, des gros pneus, des conseils classiques ?
Peut-être, ne juge pas le parcours sur le fichier GPS ou la distance
Ne crois pas que le fait d’avoir regardé le dénivelé sur un écran fera une grosse (ou la moindre) différence sur le terrain.
Ca peut rassurer, mais ça peut aussi créer des plans qui ne feront pas long feu une fois sur le vélo.
Evidemment, c’est une bonne chose d’être conscient de ce que la route sera en la comparant à ton expérience passée. Pour moi, la beauté de ce genre de voyage, c’est d’apprendre à lâcher prise et à s’adapter, de prendre les choses comme elles viennent et de savoir quand et comment utiliser ses capacités. Les fluctuations de l’effort contre l’environnement, peut-être.
Pour faire cela, tu dois être honnête avec toi-même quant à tes capacités. C’est une technique en soi, particulièrement quand on doit le faire jour après jour, une chose que beaucoup d’entre nous ont parfois du mal à appréhender.
Pour moi, cette image résume le Torino-Nice Rally. Elle capture le paysage, le terrain, l’effort éreintant et la camaraderie de cet évènement.
Le cycliste au premier plan est Rob. On était un groupe de quatre et nous l’avons rencontré en fin de soirée du deuxième jour, en sortant de la pizzeria de Bussoleno. Il nous a accompagnés sur les contreforts du Finestre jusqu’à un endroit où camper qu’il connaissait de deux ans auparavant. On l’a chambré, lui disant qu’il ne s’était pas lavé le visage depuis le départ à cause d’un mauvais coup de Soleil qu’il avait pris en profitant du grand air.
Cette image le montre en pleine épreuve de la Strada dell’Assietta. J’adore l’expression de son visage… Quel bel évènement.
Questions fréquemment posées
Quel niveau est requis ?
Honnêtement -et c’est un avis personnel- n’importe qui de motivé et équipé pour affronter les éléments en montagne peut finir le TNR. Certains y arriveront plus vite, d’autres pousseront leur vélo plus souvent, mais aucun obstacle n’est insurmontable sur ce parcours.
De quel vélo ai-je besoin ?
Le parcours est tellement varié, il n’y a pas de solution exacte.
Certains le roulent en gravel. D’autres en VTT tout suspendu, en hardtail, en VTT vintage 26 pouces ou même en single-speed. On trouve des cintres plats, des cintres route, gravel, rando…
Comme souvent, le meilleur vélo, c’est celui que vous avez.
Combien d’eau/de nourriture dois-je prévoir?
Une blague qui revient régulièrement parmi les bikepackers du TNR consiste à se plaindre de transporter ses bidons pleins d’un point d’eau à un autre. L’eau ne manque pas et deux bidons sont souvent suffisants.
Quant à la nourriture, assurez le coup en emportant un repas de dépannage et profitez des spécialités alpines!
Combien de temps dois-prévoir ?
Quelle que soit la durée que vous avez en tête, la réponse est simple: prévoyez plus ! Les plus pressés l’ont déjà fini en trois jours et demi alors que les plus épicuriens prennent jusqu’à 10 jours.
En en discutant à postériori, beaucoup regrettent de ne pas avoir pris un ou deux jours de plus pour profiter.
Chiffres du Torino-Nice
- Distance : 700km
- D+ total : 20 000m
- Route : 485km
- Pistes : 240km
- Altitude max. : 2750m
- Altitude min. : 0m
Voire même un peu plus bas si vous piquez une tête à Nice !
C’est gratuit
La mode actuelle est de créer des courses où l’inscription coûte souvent plusieurs centaines d’Euros.
Ici, les choses sont simples : pas de gadget, de tracker GPS, de musette ou de dossard-souvenir. Chacun est responsable de lui-même, c’est juste une grosse balade entre potes.
Il n’y a rien a gagner
Si vous bouclez les 700km de routes et pistes alpines en premier, bravo. Si vous arrivez bon dernier en ayant testé tous les Caffès et Trattorias du parcours, alors vous avez saisi l’esprit du TNR.
L’éthique
Les bénéfices issus de la vente des patches vont en totalité à Smart Shelter, qui œuvre pour construire des bâtiments et des écoles antisismiques au Népal, en Inde et Indonésie.
L’environnement
Une des nombreuses valeurs communes entre le TNR et Evanoui est le respect de l’environnement. On ne laisse pas de trace, et on laisse même les lieux plus propres qu’à notre arrivée quand c’est possible.
Ce n’est pas une obligation, ça fait juste plaisir de pouvoir partager la nature avec les personnes qui passeront derrière nous.
Le partage
L’organisateur James Olsen partage volontiers sa trace, même si vous ne pouvez pas participer aux dates officielles. Et pour le même prix, il vous donnera des conseils personnalisés (Attention toutefois à son sens de l’euphémisme quand il parle de « léger portage » ! )
Ce n’est pas une course
Ce qui signifie que les autres ne sont pas des concurrents mais de potentiels compagnons de voyage.
J’ai participé aux trois éditions, et à chaque fois j’en suis revenu avec de nouveaux vrais amis.
De difficiles et impressionnantes ascensions, des descentes longues et techniques, des sections gravel cassantes, la météo imprévisible, la gestion mentale et même le trajet à vélo de Nice à Turin deux jours avant le départ.
Nombreux ont étés les aspects sur lesquels j’ai dû travailler tout au long de cette année.
Je pourrais dire que je m’y attendais, mais ce à quoi je ne m’attendais pas était la chaleur humaine, les sourires et la complicité de cette grande famille de participants.
Pour moi, ç’a été sans le moindre doute la plus grosse surprise du Torino-Nice Rally. Les gens sont la plus belle récompense que j’aie rapportée chez moi.
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